Un choc, puis une onde de vérité. Depuis l’arrestation de Samy, tiktokeur haïtien vivant aux États-Unis, accusé d’avoir entretenu une relation incestueuse avec sa propre fille, les réseaux sociaux haïtiens sont secoués par une vague de témoignages poignants. Sous le hashtag #DenonseKadejakè, des victimes longtemps réduites au silence prennent enfin la parole. Ce mouvement, né dans la douleur, devient un miroir brutal de la société haïtienne — révélant ses tabous, ses silences complices, et ses urgences éducatives.
L’affaire Samy : un déclencheur brutal
Samy, connu pour ses vidéos familiales sur TikTok, a été arrêté après des révélations accablantes de sa fille biologique A. L’homme, qui se présentait comme un père aimant, aurait abusé de sa propre enfant. L’affaire, relayée massivement, a provoqué un tollé et déclenché une libération de la parole inédite dans la communauté haïtienne en ligne.
Mais au-delà du scandale, c’est la résonance intime de cette histoire qui a bouleversé. Car derrière Samy, des milliers de visages se sont levés — ceux de victimes qui, pendant des années, ont vécu dans l’ombre de leur douleur.
📣 Le hashtag #DenonseKadejakè : une révolution silencieuse
Sur TikTok, Instagram, Facebook, les témoignages affluent. Des récits de viols commis par des proches : pères, cousins, voisins, prêtres. Des histoires d’enfants ignorés, de jeunes femmes humiliées, de garçons réduits au silence. Chaque mot publié est une déchirure, mais aussi une tentative de guérison.
« J’avais 8 ans quand c’est arrivé. J’ai dit à ma mère, elle m’a giflée. »« Mon père était respecté à l’église. Qui allait me croire ? »
Ces phrases, simples et terribles, révèlent une vérité glaçante : dans de nombreuses familles haïtiennes, la parole de l’enfant est souvent niée. Par peur du scandale, par honte, par refus de voir. Et ce silence parental devient une seconde agression, un abandon profond.
🧠 Les cicatrices invisibles : entre trauma et déni social
Le refus d’écouter détruit la confiance de l’enfant envers le monde adulte. Il grandit avec l’idée que sa douleur ne compte pas, que son corps n’a pas de valeur. Sur le plan social, ce silence crée un terrain fertile pour les agresseurs, qui se sentent protégés par l’omerta familiale et communautaire.
Dans un pays où l’éducation sexuelle est encore taboue, beaucoup d’enfants ne savent pas nommer ce qu’ils vivent. Ils ignorent leurs droits, leurs limites, et les mécanismes de protection. La peur devient leur quotidien : peur d’être rejeté, peur de ne pas être cru, peur des représailles. Et souvent, l’agresseur est sous le même toit.
Une société qui préfère la honte au scandale
Le viol n’est pas un phénomène marginal en Haïti. Il traverse les classes sociales, les quartiers, les générations. Mais ce qui rend la situation encore plus dramatique, c’est le manque de courage collectif pour en parler. Dans une culture où « tout se sait mais tout se tait », le silence devient une stratégie de survie — pour les familles, pour les institutions, pour les communautés.
Ce silence, pourtant, protège les coupables et condamne les victimes à une vie de souffrance non reconnue.
Briser le silence : un acte de résistance
Le mouvement #DenonseKadejakè rappelle que le vrai courage, c’est d’écouter, de croire, et d’agir. Les parents ont un rôle crucial à jouer : celui de la protection, de l’écoute, de la reconnaissance. Fermer les yeux, c’est trahir son enfant une seconde fois.
Les réseaux sociaux, souvent critiqués pour leur superficialité, deviennent ici des espaces de libération. Des lieux où les victimes trouvent enfin une voix, une communauté, une forme de justice symbolique.
Mais pour que cette voix ait du poids, il faut que la société haïtienne accepte de regarder la vérité en face. Il faut des écoles qui parlent, des familles qui écoutent, des lois qui protègent, des médias qui relaient.
En Haïti, briser le silence, c’est déjà commencer la guérison
Ce mouvement n’est pas qu’un cri. C’est une semence. Une promesse. Celle d’un pays qui pourrait, enfin, apprendre à écouter ses enfants. À croire ses femmes. À protéger ses hommes. À guérir ses blessures.
Parce que dénoncer, c’est résister. Et résister, c’est vivre.
Roche Magazine




