Une opération policière d’une ampleur inédite a plongé Rio de Janeiro dans le chaos. En seulement trois jours, 119 personnes ont perdu la vie lors d’un raid antidrogue mené contre le puissant gang du Comando Vermelho. Les autorités brésiliennes parlent d’un « succès opérationnel », mais pour beaucoup, c’est un massacre d’État qui relance le débat sur la violence policière au Brésil.
Une opération d’envergure sans précédent
Lancée le 28 octobre 2025, l’opération baptisée Containment a mobilisé près de 2 500 agents issus de la police militaire, de la police civile et des forces spéciales. Leur objectif : démanteler les bastions du Comando Vermelho, une organisation criminelle qui contrôle plusieurs favelas stratégiques de la métropole carioca.
Les affrontements se sont concentrés dans les complexes d’Alemão et de Penha, deux zones où la présence du gang est historiquement forte.
Au terme des combats, 81 suspects ont été arrêtés, et les autorités affirment avoir saisi plus de 100 fusils d’assaut, des grenades, ainsi qu’une quantité massive de cocaïne et de marijuana.
Mais le bilan humain dépasse tout ce que Rio a connu jusque-là : 119 morts, dont 4 policiers. Certains médias évoquent même plus de 130 décès selon des sources hospitalières.
Des scènes de guerre dans les favelas
Durant l’opération, la ville a semblé basculer dans une zone de conflit.
Des drones armés ont été utilisés par les narcotrafiquants pour lancer des explosifs sur les forces de l’ordre. Des véhicules blindés sillonnaient les ruelles étroites, tandis que des fusillades éclataient à toute heure.
Près de 40 écoles ont dû fermer leurs portes, laissant des milliers d’enfants confinés chez eux. Des habitants ont rapporté des scènes de panique et des corps alignés dans les rues, rappelant les heures les plus sombres de l’histoire récente de Rio.
Réactions et indignation internationale
Le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva a réagi avec stupeur :
« Je suis sidéré par le nombre de morts. Nous devons combattre le crime, mais pas au prix de la vie humaine. »
De son côté, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme s’est dit « horrifié » et a exigé une enquête rapide et transparente sur les conditions de l’opération. Plusieurs ONG locales dénoncent des exécutions sommaires et l’usage disproportionné de la force.
L’ancien président Jair Bolsonaro, quant à lui, a salué l’action des forces de sécurité, évoquant un acte de défense contre le « narcoterrorisme ». Une prise de position qui divise profondément l’opinion publique.
Le Comando Vermelho, une puissance enracinée
Fondé dans les années 1970 dans les prisons brésiliennes, le Comando Vermelho est l’un des plus anciens et des plus puissants cartels du pays.
Il contrôle des pans entiers du trafic de drogue à Rio et exerce une influence sociale et économique dans de nombreuses favelas.
Son réseau s’étend bien au-delà du Brésil, avec des connexions en Amérique du Sud et en Afrique de l’Ouest. L’opération Containment visait à frapper au cœur de cette organisation, mais le prix payé par la population civile est lourd.
Un lourd bilan humain et politique
Selon les autorités locales :
- 119 morts (dont 4 policiers)
- 81 arrestations
- 118 fusils d’assaut et des centaines de munitions saisies
- Plusieurs tonnes de drogue confisquées
- 40 écoles fermées et des milliers de familles déplacées temporairement
Ce bilan fait de cette opération la plus meurtrière de l’histoire moderne du Brésil, devant celle de Jacarezinho en 2021, qui avait fait 28 morts.
Entre sécurité et droits humains
Si le gouvernement de l’État de Rio se félicite d’un « coup dur porté au crime organisé », les défenseurs des droits humains dénoncent une logique de guerre dans les favelas.
Pour eux, ces interventions massives ne font qu’accentuer la méfiance entre la population et la police, tout en alimentant la spirale de la violence.
Les prochains jours seront déterminants : les enquêtes promises par le gouvernement fédéral et les Nations unies devront déterminer si cette opération, menée au nom de la sécurité publique, a respecté le droit fondamental à la vie.
Ce qui devait être une opération de « sécurisation » s’est transformé en l’une des tragédies les plus sanglantes du Brésil contemporain. Entre lutte nécessaire contre les narcotrafiquants et respect des droits humains, le pays est à nouveau confronté à un dilemme moral et politique.
À Rio, les cicatrices laissées par cette opération mettront longtemps à se refermer.
Roche magazine




